« Si
vous pensez que l'aventure est dangereuse, je vous propose d'essayer
la routine, elle est mortelle » P.Coelho
J'étais
là, seul, debout au milieu de cette longue route qui traverse
l'Outback australien, et j'étais heureux d'être là enfin je veux
dire heureux de ne pas avoir été perdu au fin fond du bush!
Il était tôt le matin, mes ressources d'eau étaient très faible
(une demi bouteille d'eau), bien trop faible pour l'endroit hostile
où je me trouvais.
La
chaleur était déjà omniprésente, les mouches me tournaient autour
et venaient se poser tour à tour sur mon visage et les parties
découvertes de mon corps. J'avais comme l'impression d'être un de
ces cadavres de kangourous qu'elles affectionnent afin d'y pondre
leurs œufs!
Je suis
resté quatre heures sans trouver quelconque véhicule pour me sortir
de se « no man's land ». Le désert est très peu
fréquenté et les seuls passages étaient ces immenses « road
train » qui lancés à vive allure ne pouvaient s'arrêter.
J'avais
fait en sorte d'économiser mon eau mais quand la dernière petite
goutte vint à finir dans ma gorge sèche, je n'en menais pas large
et je me sentais comme abandonné de ce monde. Durant une fraction de
seconde, il fut possible d'apercevoir un large sourire sur mon
visage, bien évidement c'était plus un sourire de dépit qu'autre
chose. Mais je savais au combien il était important de garder le
moral puisque après le mauvais temps, le soleil fini toujours par
briller!
Effectivement
une chose incroyable se passa, alors que je guettais l'arrivée
éventuelle de voiture je vis soudain deux silhouettes au loin, elles
avançaient sur le bord de la route et se rapprochaient doucement de
moi. Au début je croyais à un mirage mais plus elles se
rapprochaient et plus je pouvais les distinguer .
Les deux
silhouettes étaient maintenant à une dizaine de mètres, il
s'agissait d'un couple de backpackers, ils traînaient avec eux une
étrange remorque avec tout le nécessaire pour tenir plusieurs jours loin de toute civilisation.
Les
marcheurs de l'extrême, c'est ainsi que je les ai surnommé. Si
parfois je me trouvais un peu fou de voyager seul en stop à travers
l'Australie, il faut croire qu'il y avait plus fou que moi!
Mais après tout, chacun trouve son salut et sa part d'existence dans
le voyage qu'il décide d'accomplir.
Ils
étaient cependant aussi surpris que moi de trouver quelqu'un dans
cette région aussi reculée, alors je leur expliqua le pourquoi du
comment je m'étais retrouvé ici. Nous avons discuté un moment à
l'ombre d'un arbre tout en partageant de grandes goulées d'eau. Le
mec était allemand, il marchait depuis Cairns située à environ
3000 km de là et le tout pied nus, il avait trouvé une japonaise
sur sa route et depuis ils ne faisaient qu'un. Une chose
m’interpella, une odeur nauséabonde se dégageait d'eux, cela me
faisait penser à une odeur de remontée de fosse sceptique ou à
celle de rats crevés, je ne sais pas trop mais en tout cas ça me
prenait la gorge... Ils disaient que marcher dans ces conditions
était une merveilleuse épreuve qu'ils offraient à leur corps et
leur esprit. Pour être honnête je ne comprenais pas trop ce qui les
poussaient dans une telle aventure, je me disais qu'ils avaient du
être confronté à une exposition un peu trop prolongée de soleil
et que cela avait fini par influer sur leurs cerveaux !
Nous
étions là tous les trois à échanger nos expériences quand une
voiture qui venait de la direction où je me dirigeais s'arrêta à
notre niveau. Deux hommes sortis du 4X4, deux hommes vivant dans le
bush car à la vue de leurs habits, chapeaux et santiags, et au son
de leur accent il était impossible qu'ils viennent d'ailleurs. Après
quelques mots échangés ils nous proposèrent une BIERE !! Et
une fraîche qui plus est ! Il n'y avait pas de doute, les vents
avaient tourné en ma faveur, et après un long moment de pétole,
mes voiles se gonflèrent à nouveau...le moment était venu de
continuer ma route ! Après avoir fait mes adieux, je me remis
sur la route, pousse tendu et sourire au lèvre.
Quelque chose comme ça je présume
Quelques secondes
d'attente et la première voiture fut la bonne.
Cependant
la voiture qui s'arrêta devant moi n'avait rien en commun avec les
autres car il y avait une étrange écriture sur la portière,
POLICE !
Pour
rappel, le stop est interdit en Australie !
La vitre
côté passager s'abaissa et le policier âgé d'une trentaine
d'année me demanda ma destination, je lui répondis Camooweal,
c'était le prochain bled sur ma route de l'ouest.
L'homme
ria puis me proposa de monter car c'était sa destination, il s'y
rendait pour prendre son service.
C'était
la première fois que je montais dans une voiture de police, mes
poignets n'étaient pas attachés entre eux donc tout allait bien et
je dois bien dire que le flic était super sympa.
Pendant
le temps du trajet je lui racontais ma mésaventure chez les fous,
lui me répondait que les gens de l'outback était un peu spécial et
qu'il fallait se méfier! Merci je m'en étais déjà rendu
compte !
Il me
déposa à une station d'essence situé à la fin du bled, mes
chances de trouver un autre véhicule serait bonne disait il.
Et il
avait raison car à peine descendu de sa voiture, je trouva un van de
backpackers garé le long de la station. Je vis alors une charmante
demoiselle, et à ces premiers mots je me rendis compte qu'elle aussi
venait de l'hexagone. J'ai demandé si par hasard elle n'avait pas
une petite place pour moi dans son van et sans hésiter une seconde
elle me répondis que ce serait un plaisir!
Elle
voyageait avec deux amis, une autre nana un peu moins charmante et un
mec assez timide, tous français ! Ce n'est pas que cela me
réjouissais car j'essayais d'éviter mes compatriotes mais des fois
il faut savoir prendre ce que l'on trouve!
Le
courant avec eux passa bien et notre première soirée ensemble le
long de la route fut un moment relativement sympathique. Il faut dire
qu'avec un peu de vin tout devient un peu plus agréable. Ils
faisaient route sur Uluru, à 1500 km de là où nous étions et me
proposèrent de faire route avec eux si le cœur m'en disait.
Une
proposition comme celle ci ne ne refusait pas car l'Ayers Rock était
le symbole de l'outback australien et mon passage par ce site
fabuleux devenait évident à mes yeux. Toutefois je leur expliqua
qu'il ne me restait que 200$ dans mes poches et que je n'étais pas
en mesure de partager le fuel. Ils me répondirent que ce n'était
pas grave car le simple fait de ma présence apportait déjà quelque
chose à leur aventure.
Au final tout s'était magnifiquement goupillé dans cette journée pleine de
rebondissement, je continuais d'avancer, et le prochain objectif
avait une saveur très particulière puisque je me rendais à Uluru, terre
des aborigènes...